Vous avez séjourné au Cameroun du 6 au 19 juin. Qu’est-ce qui vous a amené dans ce pays ? Je suis venu au Cameroun, avec une petite délégation, dans le cadre d’un jumelage entre l’archidiocèse de Garoua et notre diocèse de Périgueux et Sarlat en France. L’acte de naissance de ce jumelage fut signé le 23 octobre 1983 entre Mgr Jacques Patria, évêque de Périgueux et Sarlat et Mgr Yves Plumey, archevêque de Garoua, sur l’autel de la cathédrale Saint-Front de Périgueux « en signe de leur volonté de connaissance et d’entraide mutuelle et d’ouverture à l’Église universelle ». Cela fait donc 40 ans cette année que ce jumelage existe et d’un commun accord entre nos deux diocèses, nous avons estimé que cela méritait de les fêter et de les célébrer ces 40 ans ici à Garoua. Sachant qu’en octobre prochain Mgr Faustin Ambassa Ndjodo, archevêque de Garoua viendra avec une délégation dans notre diocèse pour confirmer ce désir commun de poursuivre la coopération missionnaire initiée depuis 40 ans. Cependant, nous avons pris conscience qu’avec le temps qui passe l’ardeur des origines s’est estompée un peu et que ce jumelage a besoin d’être repris en main. Rendre grâce pour tous les fruits produits et se rendre disponible en revisitant à frais nouveaux le jumelage pour aujourd’hui et demain. Mais avant de nous rendre à Garoua, nous avons profité ce matin de cette escale à Yaoundé, pour visiter le lieu et les services de la conférence épiscopale nationale Cameroun (Cenc) grâce au secrétaire général adjoint, Monseigneur Jean Etoundi.
tiens à le remercier pour nous avoir consacré tout ce temps. Nous avons également visité la Basilique mineure et la Cathédrale Notre Dame des Victoires. Le diocèse de Périgueux a combien de prêtres ? de paroisses? de chrétiens ?
Nous avons 25 paroisses et donc 25 curés. Mais le contexte actuel de la mission pousse les diocèses, parce que les prêtres le demandent, à constituer des équipes sacerdotales. Ces équipes apportent un soutien par la vie spirituelle et fraternelle ce qui est précieux pour vivre l’exigence de la mission. Ce qui fait que pour ces 25 paroisses et les services diocésains, nous avons 35 à 40 prêtres en pleine activité. Et si on ajoute les prêtres de plus de 75 ans, qui deviennent coopérateurs en rendant de précieux services, nous sommes 60 prêtres. Parmi, nous avons trois prêtres fidéi donum du Cameroun. Concernant le nombre de catholiques dans notre diocèse cela m’est difficile à évaluer. Sur une population de 420 000 habitants, Il y a pratiquement de 9 à 10 000 pratiquants réguliers. Par contre 60 à 70% de la population sont baptisés et ont des racines chrétiennes. Un phénomène nouveau nous réjouit c’est le nombre de catéchumènes adultes de plus nombreux à demander le baptême, et des baptisés qui reviennent vers l’Eglise en demandant le sacrement de confirmation. Signe qu’il y a des pierres d’attentes et une soif spirituelle qui demeurent au fond de la personne humaine et qu’il nous faut honorer dans nos sociétés marquées par le consumérisme et la sécularisation. En 40 ans de jumelage, que retient- on de la collaboration entre l’Archidiocèse de Garoua et le diocèse de Périgueux ?Il m’est difficile de dresser un bilan exhaustif des actions menées. Mais je peux souligner quelques axes marquants de cette coopération missionnaire : – Sur le plan de l’échange des prêtres entre nos deux diocèses. Aujourd’hui cet échange entre prêtres ne se fait que dans un sens, de Garoua vers Périgueux.- D e s paroisses qui se relient entre elles autour de projets.- Le soutien à la formation du clergé de Garoua par l’intermédiaire de l’Institut Catholique de Toulouse.- L a pastorale des jeunes avec les Journées Mondiales des Jeunes (JMJ)Nous espérons aussi que ces 40 ans de jumelage, tout en préservant les acquis, puisse actualiser les aspects qui se sont affadis notamment la coopération entre paroisses, et enfin s’étendre à de nouvelles perspectives pastorales. Nous sommes intéressés de découvrir, entre autres, l’expérience des catéchistes et des CEV (communautés ecclésiales vivantes). Appartenant à la même Eglise, j’ai hâte d’entrer maintenant concrètement dans le programme prévu. Notre foi unique, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, nous permet de nous enrichir de la diversité des cultures. Depuis quelques années, beaucoup d’églises ferment en France.
Les chrétiens pratiquants désertent de plus en plus les églises. Doit on comprendre que la prêtrise n’attire plus ? Nous vivons en France depuis déjà un certain temps une crise de transmission de la foi. Au coeur de cette situation éprouvante à vivre, nous devons chercher à nous situer de nouveau comme catholiques
dans ce contexte culturel. Cette situation critique qu’est la nôtre doit nous pousser à aller aux sources de notre foi et à devenir des témoins heureuxdu Christ de manière plus
déterminée, plus audacieuse. La foi se transmet par « attraction» et « contagion ». Nous avons vécu sur un passé très riche avec une église et un curé pratiquement dans chaque village. Mais on ne peut rester lesbras croisés et se lamenter sur un passé qui n’est plus. Il nous faut aller au coeur de la foi et former une Eglise qui propose la foi et annonce l’évangile. Comme il y a une recherche de sens, une soif de vie spirituelle qui se fait jour de plus en plus, notre Eglise doit être présente. Pour cela, nous avons besoin de tous les baptisés mais aussi de prêtres. C’est une des raisons de notre présence, le besoin de prêtres. Comment pourra se faire cette nouvelle évangélisation? Les époques sont différentes, les cultures, les contextes ? La manière d’évangéliser à l’africaine ou à la camerounaise aussi. Quand on voit le rendu des messes, c’est différent de ce qui se fait en France par exemple. Nous utilisons des instruments tels que le Balafon, Tam-tam Comment cette nouvelle évangélisation africaine en France sera faite ? L’évangélisation a pour vocation d’imprégner les cultures par la foi et l’oeuvre de l’Esprit Saint. Quand les prêtres camerounais viennent ou viendront en France, nous devons réfléchir avec eux, ensemble, à la manière dont on les aidera à découvrir notre culture, sans pour autant
perdre la leur. Riche de leur expérience d’accueillir l’évangile dans leur culture, ils vont découvrir l’importance de la culture chez nous pour y annoncer l’évangile. Le catholicisme et l’évangile du Christ a quelque chose d’unique à dire à ce monde façonné par ces différences cultures.
Pour cela, il faut travailler, se rencontrer, mettre les choses à plats. L’Esprit Saint fait que l’évangile peut imprégner toutes les cultures sans s’y enfermer. Nous allons préparer nos communautés et notre diocèse à accueillir des prêtres d’une culture différente de la nôtre, mais habités par la même foi et animés par le même Esprit Saint. C’est ainsi que nous allons multiplier les échanges et expériences entre paroisses et services diocésains de nos diocèses. Et nous verrons bien les fruits que nous donnera l’Esprit Saint ! Nous avons confiance. Cet assemblage des deux cultures pourra susciter un nouvel engouement de la part des chrétiens à retrouver le chemin des églises en France? C’est notre espérance, si telle est la volonté de Dieu. Sans oublier que comme le disait Benoit XVI, c’est par « attraction » et par « contagion » que la foi se transmet. Nous devons pour cela aller résolument à la source de notre foi qui est le Christ. Et le Christ du haut de la croix ne cesse de nous attirer et de nous éclairer partout dans le monde. Il veut révéler l’amour de Dieu à tout le monde. Il confie à l’Eglise cette mission… Que pensez-vous de l’ordination d’hommes mariés et de l’homosexualité ? Que je sache, le pape François n’a jamais exprimé la possibilité de permettre l’ouverture de la prêtrise à des hommes mariés. Même au synode sur l’Amazonie où lui était suggéré cette possibilité, dans son exhortation apostolique sur ce synode il n’y a pas de tournant, de changements à ce niveau-là. C’est notre discipline. Un changement sur ce sujet pourrait cliver l’Eglise et ce n’est pas le moment de la fragiliser davantage. Concernant l’homosexualité, je suis attaché à un double principe : celui de notre tradition « dès le commencement le créateur les fit Homme et femme », cette différence structure profondément nos sociétés. Puis cet autre principe fondamental, c’est le respect des personnes. Sans se renier, il y a le devoir de les accompagner. En aucun cas elles doivent faire l’objet de violence. L’accueillir en tant que personne, lui annoncer le Christ. Car, elle aussi est en route vers le royaume de Dieu. Le christ allait vers tout le monde.